Le week-end dernier, au fil d’une formation sur la géologie et les milieux naturels, j’ai pris conscience d’une chose fascinante : le sol sous nos pieds raconte une histoire, et cette histoire façonne toute la vie qui l’entoure. En Belgique, cette histoire est particulièrement riche. Notre petit territoire cache une mosaïque de roches, un véritable patchwork de reliefs et de sols nés de centaines de millions d’années de transformations géologiques.

Les roches de Belgique, qu’elles soient calcaires, gréseuses ou schisteuses, ont façonné nos paysages et influencent directement la biodiversité locale. Du calcaire des vallées de la Meuse au grès des Hautes Fagnes, en passant par les schistes des Ardennes, chaque roche donne naissance à un type de sol bien particulier. Et ces sols, à leur tour, déterminent quelles plantes et quels animaux peuvent s’y installer.

Comprendre le lien entre roches, sol et biodiversité, c’est apprendre à « lire » le paysage et à percevoir la logique cachée derrière la diversité de nos milieux naturels.

Dans cet article, je vous propose une plongée au cœur des roches de Belgique, à travers quelques grands types emblématiques : le calcaire, le grès, le schiste, et les étonnants poudingues.

La Belgique, un patchwork géologique

À première vue, la Belgique semble uniforme : un petit pays plat au nord, vallonné au sud. Mais sous la surface se cache une richesse insoupçonnée. Les roches de Belgique racontent des millions d’années d’histoire : elles se plissent, se fracturent, s’érodent et donnent naissance à une incroyable diversité de paysages naturels.

La partie nord, formée de limons et d’argiles, contraste fortement avec les terrains anciens du sud, hérités de la surrection des Ardennes. Cette diversité s’explique par l’histoire mouvementée du sous-sol : mers tropicales, dépôts sédimentaires, plissements, érosions et glaciations ont successivement modelé notre territoire.

Ainsi, le calcaire, issu d’anciens fonds marins riches en coquillages, forme des vallées lumineuses et sèches. Le grès, né de sables compactés dans des environnements côtiers ou fluviaux, façonne des plateaux acides et forestiers. Le schiste, compressé sous l’effet de la chaleur et de la pression, domine les versants humides de l’Ardenne. Quant aux poudingues, ces roches composées de galets soudés, elles témoignent d’anciens lits de rivières aujourd’hui fossilisés.

Ces types de roches belges, bien différents par leur origine et leur composition, créent des sols aux propriétés contrastées. Certains basiques, d’autres acides ; certains secs, d’autres gorgés d’eau. Et c’est précisément cette variété géologique qui explique la diversité de la flore et de la faune qu’on observe dans nos forêts, pelouses et vallées.

Le calcaire : un sol riche, mais sélectif

Roche sédimentaire par excellence, le calcaire est issu d’anciens fonds marins où s’accumulaient coquillages, coraux et organismes microscopiques. En se compactant, ces dépôts ont donné naissance à une pierre claire et dure, qui domine aujourd’hui dans les vallées de la Meuse, du Geer ou de la Lesse.

Les sols calcaires sont basiques et souvent secs, car l’eau s’y infiltre facilement à travers les fissures et les grottes. Cela crée des conditions difficiles pour de nombreuses plantes, mais idéales pour celles qui aiment la chaleur et les terrains pauvres : les orchidées sauvages, les gentianes, les hélianthèmes ou encore la cardère. On parle alors de flore calcicole.

Côté faune, ces milieux ouverts et ensoleillés abritent une grande diversité d’insectes, notamment des papillons et des orthoptères. Les pelouses calcaires sont aussi des refuges pour les lézards des murailles, les abeilles solitaires et certaines chauves-souris qui utilisent les grottes ou les anciennes carrières comme gîte.

En Belgique, on retrouve ces paysages typiques dans la vallée de la Meuse, le Condroz, ou encore dans certaines zones du Pays de Herve.

Vallée de la Meuse - roches de belgique
Vallée de la Meuse

Le grès : terrain acide et forêt de légendes

Le grès, quant à lui, est une roche siliceuse issue de la cimentation de sables anciens. Très dur et peu fertile, il engendre des sols acides et pauvres en nutriments. On y trouve des forêts aux teintes sombres et aux sols tapissés d’aiguilles. Où dominent le pin sylvestre, le bouleau verruqueux et parfois le chêne sessile.

La flore y est acidophile : bruyères, callunes, myrtilles, mousses et lichens y prospèrent. Ces milieux, souvent humides, sont typiques des Hautes Fagnes, du plateau des Tailles et de certaines zones du Luxembourg belge.

La faune adaptée à ces sols acides comprend des amphibiens (tritons, grenouilles), des pics (notamment le pic noir), des rapaces nocturnes, et une foule d’insectes dépendant du bois mort ou des bruyères.

Hautes Fagnes
Les hautes fagnes

Le schiste : entre humidité et fraîcheur

Roche feuilletée et sombre, le schiste se rencontre dans les zones vallonnées du sud du pays. Il se forme à partir d’argiles compressées, ce qui lui confère une structure en fines plaques et une grande sensibilité à l’érosion.

Les sols schisteux sont souvent acides, humides et instables. On y trouve des forêts fraîches, dominées par le hêtre, le sorbiers des oiseleurs, le houx et de nombreuses fougères. Les mousses y recouvrent les rochers et les troncs, créant des ambiances dignes des forêts enchantées.

Ces milieux abritent une faune discrète mais abondante : salamandres tachetées, vers de terre, coléoptères du bois mort, merles à plastron ou encore écureuils. Le schiste joue aussi un rôle important dans la filtration et la rétention de l’eau, favorisant les sources et ruisseaux.

Schiste
Schistes

Les poudingues : mémoire des rivières et litoraux anciens

Moins connus du grand public, les poudingues méritent pourtant leur place dans le paysage géologique belge. Ce sont des roches formées de galets et de sables soudés par un ciment naturel. Leur aspect évoque un béton naturel, témoin des anciens lits de rivières ou de deltas disparus.

On les retrouve notamment dans la région de Spa et du Condroz, où ils affleurent parfois en blocs massifs. Les sols issus de poudingues sont souvent drainants et pauvres, propices à une végétation clairsemée : genêts, ajoncs, fougères et mousses y sont fréquents. Ces milieux ouverts accueillent des lézards, papillons et abeilles sauvages.

Poudingue - roches de belgique
Roches de Belgique : Poudingue

Quand le sol dicte la vie : une symphonie naturelle

Chaque roche raconte une page de l’histoire de la Terre, mais surtout, elle conditionne la vie qui s’y installe. Le pH du sol, sa texture, sa capacité de rétention d’eau et sa teneur en minéraux déterminent la présence ou non de certaines espèces.

Une forêt de hêtres sur sol calcaire ne ressemblera jamais à une lande de grès. Les plantes indicatrices — bruyère, ortie, prêle ou fougère — sont autant d’indices qui permettent au naturaliste de « lire » le paysage et de comprendre la nature du sol.


Observer pour comprendre

Chaque paysage de notre pays est le reflet du sous-sol qui le soutient. Derrière la diversité de nos forêts, pelouses et vallées se cachent les roches de Belgique, véritables fondations de notre biodiversité.

Calcaire, grès, schiste ou poudingue. Chacune raconte une page de notre histoire géologique et façonne, à sa manière, la vie qui s’y installe. Comprendre ces liens, c’est apprendre à observer la nature autrement. A reconnaître, dans la forme d’un relief ou la présence d’une plante, la trace silencieuse d’une roche vieille de plusieurs millions d’années.

Alors, la prochaine fois que vous marcherez sur un sentier, prenez le temps de regarder sous vos pied. La géologie belge est bien plus qu’un décor — c’est le socle vivant de notre biodiversité.

Pour visualiser la répartition des différentes roches et formations en Wallonie, voici une vidéo utile que je vous recommande de regarder :