L’autre jour, en faisant défiler Facebook, je suis tombé sur un commentaire catégorique :
« Le lierre tue les arbres, il faut absolument l’enlever ! »
Des dizaines de personnes approuvaient, convaincues que cette plante grimpante est un danger pour nos forêts.
Ce réflexe, je l’ai longtemps eu moi aussi : voir un tronc entièrement couvert de feuilles persistantes, et imaginer que le végétal est en train de s’asphyxier.
Pourtant, après avoir passé du temps à observer la forêt – surtout en hiver, quand le lierre sur les arbres est particulièrement visible – j’ai compris que cette idée reçue est très éloignée de la réalité.
Le lierre n’étouffe pas les arbres, ne leur prend pas leur sève, et ne se nourrit pas à leurs dépens. Il utilise simplement le tronc comme support… et remplit même un rôle essentiel dans l’écosystème.
Alors d’où vient ce préjugé ? Et dans quels cas faut-il vraiment intervenir ?
Plongeons dans ce que le lierre fait – et ne fait pas – aux arbres, pour enfin comprendre cette relation souvent mal comprise.
Comment reconnaître le lierre sur un arbre, même en hiver
Même en plein hiver, quand tout semble endormi, le lierre sur les arbres reste l’une des plantes les plus faciles à identifier. Sa présence permanente, ses tiges grimpantes et son feuillage persistant en font un excellent support pour apprendre à observer la forêt autrement.
Feuilles persistantes… mais pas toutes les mêmes
C’est l’une des particularités les plus fascinantes du lierre, et l’une des moins connues : il possède deux formes de feuilles distinctes au cours de sa vie.
- Feuilles lobées (en étoile) : présentes sur les tiges jeunes, rampantes ou grimpantes.
- Feuilles ovales (entières) : présentes sur les tiges adultes, généralement en hauteur, lorsqu’il atteint la maturité et peut fleurir.
Ce changement de forme s’appelle le polymorphisme foliaire.
Il permet à la plante de s’adapter à deux modes de vie : exploration au sol ou ascension vers la lumière.
Le phénomène rappelle celui du houx, dont les feuilles sont piquantes en bas mais lisses en hauteur.
Cette variation des feuilles est un excellent indice d’identification, même lorsque la lumière d’hiver est faible.


Tiges ligneuses et crampons d’adhérence
Le lierre ne s’enracine pas dans l’arbre.
Il s’accroche uniquement grâce à de petits crampons situés sous ses tiges, qui jouent le rôle de crochets microscopiques.
Ils n’entrent pas dans l’écorce : ils se contentent d’adhérer à la surface du tronc ou de tout support disponible (murs, rochers, souches).
C’est la raison pour laquelle le lierre n’est pas un parasite : il ne touche jamais les tissus vivants de l’arbre (xylème, phloème).
Baies et fleurs d’hiver : un repère discret mais précieux
En fin d’automne et au début de l’hiver, on peut encore observer :
- des ombelles florales,
- ou des baies noires mûrissant tardivement.
Ces fruits sont une véritable bouée de survie pour les oiseaux en hiver : merles, grives, étourneaux, pigeons colombins…
Le lierre tue-t-il vraiment les arbres ?
L’idée que le lierre “étouffe” les arbres est sans doute l’un des préjugés les plus répandus en forêt. La vision d’un tronc entièrement recouvert de feuilles persistantes peut donner l’impression que la plante empêche l’arbre de respirer ou qu’elle lui vole sa sève. Pourtant, rien de tout cela n’est vrai.
Le lierre n’est pas un parasite : il utilise simplement l’arbre comme support
Un parasite se nourrit de son hôte : il pénètre ses tissus vivants, prélève l’eau, les sucres, les nutriments.
C’est le cas du gui, mais pas du lierre.
Le lierre ne traverse jamais l’écorce.
Ses crampons d’adhérence se contentent d’accrocher la surface du tronc : ils n’atteignent ni le cambium, ni les vaisseaux conducteurs de la sève.
L’arbre et le lierre fonctionnent donc en parallèle, chacun avec sa propre photosynthèse, ses propres racines et sa propre source d’énergie.
Pourquoi le lierre est injustement accusé de tuer les arbres
Si un arbre couvert de lierre dépérit ou tombe, on pense souvent que la plante en est responsable.
En réalité, le lierre se contente de profiter des arbres affaiblis, déjà touchés par :
- la vieillesse,
- des sécheresses successives,
- une maladie (frêne → chalarose, par exemple),
- une blessure importante,
- un sol trop pauvre pour assurer une croissance continue.
Lorsque la canopée s’éclaircit à cause du dépérissement, plus de lumière atteint le tronc. Le lierre accélère alors sa croissance, rendant sa présence plus visible. On inverse alors la cause et la conséquence : ce n’est pas parce qu’il y a du lierre que l’arbre meurt, c’est parce que l’arbre meurt que le lierre s’installe davantage.
Les rares situations où le lierre peut devenir problématique
Même s’il ne vole pas de ressources à l’arbre, le lierre peut compliquer la vie d’un arbre déjà fragile :
- Poids supplémentaire : sur un tronc fortement colonisé, le feuillage dense peut retenir le vent ou la neige, augmentant les risques de casse chez un arbre affaibli.
- Compétition lumineuse : en lisière très ouverte, le feuillage du lierre peut masquer une partie de la lumière, gênant la photosynthèse d’un arbre déjà en difficulté.
- Arbres urbains ou isolés : dans certains jardins, lierre et arbre ne bénéficient pas du même environnement qu’en forêt, ce qui peut accentuer les situations limites.
Ces cas restent minoritaires. Dans la grande majorité des milieux naturels, le lierre ne représente aucun danger réel pour les arbres en bonne santé.

Les bénéfices du lierre pour la forêt
Si le lierre fait naître des inquiétudes lorsqu’il grimpe sur un arbre, il joue pourtant un rôle écologique majeur dans les milieux forestiers. Sa présence, loin d’être un signe de dégradation, contribue à la richesse et au fonctionnement de l’écosystème, particulièrement à des périodes où la plupart des plantes sont au repos.
Une ressource essentielle pour les insectes en fin de saison
Le cycle du lierre est décalé par rapport aux autres plantes : il fleurit très tard, souvent entre septembre et novembre.
À cette période, la majorité des végétaux ont déjà terminé leur cycle, et les sources de nectar se font rares.
Les fleurs du lierre deviennent alors un point de rassemblement pour de nombreux insectes :
- abeilles domestiques,
- abeilles sauvages,
- syrphes,
- papillons tardifs.
Cette floraison automnale permet à ces espèces de constituer leurs dernières réserves d’énergie avant l’hiver, ce qui en fait une plante mellifère de première importance.
Des baies hivernales pour survivre aux périodes de disette
En plein hiver, lorsque les baies de sureau, sorbier ou aubépine sont déjà épuisées, il reste souvent une ressource encore disponible : les baies du lierre.
Elles mûrissent tardivement et offrent :
- une richesse énergétique élevée,
- une disponibilité au moment critique de janvier-février,
- une source alimentaire pour les oiseaux frugivores.
Grives, merles, étourneaux ou pigeons colombins en dépendent régulièrement.
Dans certaines régions, ces baies constituent l’un des derniers aliments encore accessibles sur la saison.

Un refuge pour la petite faune en toute saison
Le feuillage dense du lierre crée une structure végétale unique :
- abri contre le vent,
- zone d’hivernage pour les invertébrés,
- protection pour les amphibiens au pied des troncs,
- cachettes pour les petits mammifères.
En forêt, cette masse végétale agit comme une micro-habitation où la température et l’humidité sont souvent plus stables que dans le reste du sous-bois.
Un rôle discret dans la stabilisation du sol et du microclimat
Le lierre n’est pas qu’un grimpeur : il couvre aussi le sol.
Ce tapis de feuilles persistantes limite :
- l’érosion,
- l’évaporation,
- les variations de température,
- le dessèchement des premiers centimètres du sol.
Ce qui profite à la fois aux racines superficielles des arbres et aux communautés d’invertébrés du sous-sol.
Il contribue ainsi, discrètement mais efficacement, à la résilience du milieu forestier.
Faut-il enlever le lierre des arbres ? Ce qu’il faut vraiment savoir
La question revient régulièrement chez les promeneurs, les jardiniers et même certains gestionnaires d’espaces verts : faut-il retirer le lierre des arbres pour les protéger ?
La réponse dépend du contexte. Dans la majorité des cas, le lierre ne représente aucun danger réel, mais certaines situations particulières demandent une attention plus fine.
Quand il vaut mieux laisser le lierre tranquille
Dans un milieu naturel équilibré, le lierre fait pleinement partie de l’écosystème forestier.
On le laisse en place lorsque :
- l’arbre est sain, sans signe de dépérissement,
- il pousse en sous-bois, où la lumière est limitée,
- le sol et le milieu ne montrent aucun stress hydrique ou pathologique,
- le lierre contribue à la biodiversité locale (insectes, oiseaux, refuge hivernal).
Dans ces contextes, intervenir serait non seulement inutile, mais aussi contre-productif pour la faune qui dépend de cette plante.
Les cas où l’intervention peut être justifiée
Certaines situations particulières peuvent inciter à retirer partiellement le lierre.
Elles sont rares, mais existent :
Arbre affaibli ou vieillissant
Si l’arbre montre déjà des signes de dépérissement (cime éclaircie, branches mortes, fissures importantes), un couvert de lierre très dense peut constituer un poids supplémentaire lors d’un épisode de vent ou de neige.
Ce n’est pas le lierre qui cause le problème, mais il peut l’aggraver.
Arbres isolés exposés aux tempêtes
En l’absence d’autres arbres autour, un tronc entièrement couvert peut offrir une prise au vent légèrement plus importante.
Cela concerne surtout les arbres de jardin ou de parc, rarement la forêt.
Gestion paysagère ou de sécurité
Dans les zones urbaines, près d’un chemin fréquenté ou lorsque la visibilité est nécessaire (routes, entrées, panneaux), on peut décider de contrôler le lierre pour des raisons pratiques, pas écologiques.
Immeubles, murs fragilisés, structures anciennes
Bien que le lierre puisse protéger certaines maçonneries en pierre, il peut aussi accentuer les fissures sur des murs déjà fragiles.
Ce point concerne le patrimoine bâti, pas les arbres, mais mérite d’être mentionné pour la clarté du sujet.
Comment intervenir sans nuire à la biodiversité
Si une intervention s’avère nécessaire, la méthode la plus douce consiste à :
- couper quelques tiges à la base du tronc,
- laisser le lierre sécher naturellement en hauteur,
- éviter d’arracher les tiges directement sur le tronc pour préserver l’écorce.
Cette approche préserve le support, limite les dégâts mécaniques et permet au reste de la faune (invertébrés, oiseaux) de s’adapter progressivement.

Conclusion : le lierre, un allié discret qu’on accuse à tort
Le lierre sur les arbres suscite souvent des inquiétudes, mais l’observation attentive du terrain raconte une autre histoire. Il ne prélève pas de sève, n’étouffe pas les troncs et ne pénètre jamais les tissus vivants. Sa présence témoigne bien plus du fonctionnement naturel d’une forêt que d’un danger pour les arbres.
Plante persistante, floraison tardive, baies hivernales, refuge pour la petite faune : le lierre joue un rôle clé dans la biodiversité, particulièrement durant les mois les plus froids. Si certaines situations spécifiques justifient une intervention, elles restent marginales et concernent surtout les arbres déjà affaiblis ou les contextes urbains.
Comprendre cette relation permet de dépasser les idées reçues et d’observer la forêt avec un regard plus nuancé. Derrière ses longues tiges et son feuillage dense, le lierre participe discrètement à l’équilibre du milieu, révélant une fois de plus que la nature fonctionne selon des règles souvent plus complexes – et plus harmonieuses – que nos premières impressions.
FAQ – Réponses aux questions les plus fréquentes sur le lierre
Non. Le lierre n’étouffe pas les arbres car il ne pénètre pas l’écorce et ne prélève aucune sève. Il utilise simplement le tronc comme support vertical.
Pas dans la majorité des cas. On n’intervient que si l’arbre est déjà affaibli, très exposé au vent ou en situation de gestion paysagère particulière.
Non. Les échanges gazeux de l’arbre se font au niveau des feuilles, pas du tronc. Recouvrir un tronc ne l’empêche pas de respirer.
Parce que le lierre profite de la lumière disponible lorsque la cime se dégarnit. Ce n’est pas lui qui provoque la mort de l’arbre : il arrive après.
Ses crampons n’entrent pas dans les tissus vivants. Ils adhèrent à la surface sans percer ni endommager l’écorce.
Elles sont toxiques pour l’humain, mais très nutritives pour plusieurs espèces d’oiseaux en fin d’hiver.
Oui. Il offre nectar en automne, baies en hiver et abris toute l’année. Peu de plantes remplissent autant de fonctions écologiques.


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